Le préfet de l'Isère, Louis Laugier, a décidé d'interdire une manifestation "antiraciste et un rassemblement organisé ce 23 septembre à Grenoble en marge de la manifestation contre le racisme et les violences policières et réservés aux "personnes non-blanches". Il a également signalé les faits au procureur de la République aux chefs de manifestation non-autorisée et de rassemblement discriminatoire.
Disons-le tout net, "manifestation non-autorisée" est une argutie juridique. On a la liberté de se rassembler quand et où on le souhaite sans prévenir les autorités à partir du moment où ne cause pas de trouble à l'ordre public comme par exemple couper la circulation. Les autorités n'ont jamais autorisé au préalable de manifestation, elles en valident le parcours. Rien n'empêche n'importe quel collectif de se rassembler dans un square ou sur une place piétonne.
La question qui se pose de manière de plus en plus aigüe est de savoir si l'Etat est encore compétent – la compétence étant entendue comme le savoir-agir reconnu. Si l'Etat était compétent, alors n'importe qui pourrait se rassembler pour n'importe quelle cause et revendication, mêmes les plus farfelues, sans que cela pose problème.
Alors oui, à Grenoble, il existe des éléments violents "anti-fascistes", "gauchistes" ou autres. La série d'incendies criminels depuis 2015 où l'on s'est tout de même attaqué au centre de commandement départemental de la gendarmerie, à une caserne du même corps et où l'on a réduit en cendres la salle du conseil municipal de la mairie de Grenoble ainsi que les locaux de France Bleu Isère nous le rappelle. L'enquête sur ces actes – graves puisqu'ils sont passifs de la cour d'assises - assortis de revendication politiques, n'a à notre connaissance rien donné pour le moment. Le parquet anti-terroriste a refusé de se saisir du dossier.
L'Etat serait-il incompétent au point de considérer l'ensemble de la population française comme constituée d'ennemis de l'intérieur nécessitant l'application de tactiques contre-insurrectionnelles d'origine militaire ? Existe-t-il de signe plus fort de faillite alors que les meneurs de ces "collectifs", qui sont connus, pourraient être dissuadés par un bon travail de renseignement et de contact de terrain dans la durée, comme cela avait cours auparavant ?
Avons-nous en France un Etat incapable d'accomplir ses missions régaliennes en préservant à la fois la paix civile et les libertés individuelles, ce qui n'a rien d'incompatible ? Quand on "utilise" sciemment des groupuscules violents comme les antifas pour pourrir des mouvements sociaux, faut-il s'étonner d'une montée aux extrêmes ? Quand on donne quitus depuis des années à une forme de racisme mais que l'on en réprime une autre, qui croit encore à l'égalité ?
Nous verrons si le signalement du préfet au parquet enclenchera l'action publique et si l'enquête aboutira à des renvois devant un tribunal.