Il n’y a pas que l’audiovisuel public pour entretenir des liens étroits avec les pouvoirs en place, comme on le racontait dans un précédent article. En région, cela fait belle lurette que les télévisions ont appris à composer sagement avec les exécutifs locaux.
Dans son rapport publié le 10 octobre, la chambre régionale des comptes Auvergne Rhône Alpes soulignait le peu de transparence et le grand flou dans laquelle baignent les relations contractuelles entre la Région Auvergne Rhône-Alpes, alors dirigée par Laurent Wauquiez, et les télés du cru, à savoir 8 Mont-Blanc, TéléGrenoble et Loire Télé.
Moyennant 218 000 euros par an à chacune d’entre elles (hors subventions et achats de publi-reportages), la Région ne fait pas que distribuer de l’argent public pour maintenir à flot des chaines de plus en plus moribondes, et dont la mesure de l'audience baigne souvent dans le plus grand flou. Elle s’assure aussi d’un certain traitement, nonobstant le fait que les télés locales sont censées être astreintes à un certain nombre d’obligations en termes de neutralité…
Ainsi donc, la collectivité intervient telle un rédacteur en chef dans la ligne éditoriale, validant les contenus et donnant même des instructions. Tout ceci est largement étayé dans le rapport de la CRC. Extrait : « On fournit l’info, eux mettent en forme. Passer nos contenus, nos pastilles, OK ».
C'est du même acabit avec les télés BFM (BFM Lyon dans le cas présent) où on ne sait plus qui est quoi, entre les émissions, la pub et les publi-reportages.
On savait les télés locales, tout comme la presse traditionnelle régionale, peu encline à l’investigation qui aurait d'abord le tort de déranger les pouvoirs locaux. En région, les médias sont d’abord des partenaires, qui composent telle la girouette, non en fonction des couleurs politiques mais au gré du vent électoral. Cette presse ne fera jamais, ô grand jamais, bouger les lignes.
Elle ne s'en cache d'ailleurs pas. « On n’est pas là pour faire de la politique mais faire de l’actualité positive », soulignait le PDG de TéléGrenoble Gérard Balthazard en décembre 2019 lors de son audition par le CSA. « On n’est pas inquiets parce que les élus savent que s’ils ne soutiennent pas, on peut être en difficulté ».
Aussi, la retrouver prise au jeu du publi-reportage masqué n’est-il pas une surprise. Cela n’émeut du reste pas grand-monde. En 2019, un élu grenoblois d’opposition, Guy Tuscher s’était étonné, et avait dénoncé tout haut, les conventions qui liaient, sans aucun contrôle de l'argent public ainsi dépensé, la Ville de Grenoble à TéléGrenoble. Sachant que la Métropole de Grenoble fait de même.
Il ne s’est trouvé personne pour en faire l’écho. Personne dans la presse régionale, exception faite de Place Gre’net, média indépendant. Personne chez les élus – exception faite donc de Guy Tuscher – puisque tous ont pleinement conscience qu'un jour ou l'autre, ils auront bien besoin de telle vitrine bien peu regardante.
A Grenoble, TéléGrenoble pousse le petit système, dont la qualification de politico-médiatique trouve là toute sa démonstration, à son paroxysme, dans un mélange des genres qui n'émeut même pas la profession non plus. Là, des journalistes ont un ou plusieurs mandats électoraux locaux (sic) tout en faisant du conseil en communication (re-sic). Que ce soit Christophe Revil, maire de Claix, conseiller à la Métropole de Grenoble (qui finance TéléGrenoble) et élu au Département de l'Isère (qui finance TéléGrenoble) ou Nathalie Faure, fille de l’ex-sénateur de l’Isère, conseillère départementale et compagne de Gérard Balthazar, président de Télégrenoble.
La moitié du budget des télés locales tourne avec l'argent public – 700 000 euros par an pour TéléGrenoble. Au nom du service public bien évidemment.