Ce n'est pas l'Etat qui a perquisitionné et placé en garde à vue la journaliste de Disclose Arianne Lavrilleux mais la justice, puisque la perquisition a été ordonnée par et effectuée en présence d'une juge d'instruction, qui a estimé de telles mesures coercitives nécessaires aux besoins de l'enquête. La présidente de Disclose, Magali Serre, va devoir rapprendre le métier. Quant au Média, le titre de sa vidéo est mensonger et son contenu farfelu (les articles d'Arianne Lavrilleux ne traitaient pas de ventes d'armes).
Nous sommes, il faut le constater, en face de journalistes qui ne savent pas travailler avec des informations sensibles et qui sont persuadés qu'une carte de presse constitue une cape d'immunité. Et qui font n'importe quoi, qui sont dangereux pour leurs sources et pour eux-mêmes. Si publier un PV d'audition devant un juge d'instruction est un délit très rarement réprimé, le secret de la défense nationale est une toute autre affaire.
Nous avons déjà dans un édito rappelé un certain nombre de choses. Nous allons être là encore plus précis.
C'est la transmission ou la possession sans habilitation de documents classés qui constitue le délit de violation du secret de la défense nationale. Si un journaliste écoute une source lui relater des informations classées, alors la source commet un délit, pas le journaliste.
Quand une source propose des documents estampillés secret ou très secret (anciennement confidentiel défense et secret défense), on ne les accepte pas, surtout si transmis sous forme électronique. On demande à la source de décrire oralement lors d'un rendez-vous leur contenu de manière suffisamment précise pour pouvoir (a) vérifier la véracité des faits auprès d'autres sources et (b) faire son enquête d'environnement pour déterminer si des fois on ne se serait pas par hasard victime d'une manipulation (de services étrangers, de groupes militants comme par ex. les frères musulmans, etc.).
Si l'on reçoit par la Poste de tels documents de manière anonyme sans les avoir sollicités, on les consulte, on prend des notes et on les détuit le plus rapidement possible. Si l'on reçoit de tels documents de manière anonyme par voie électronique, on les consulte, on les retourne le plus rapidement possible en précisant qu'il y erreur de destinataire et on prend ses dispositions pour, dans la mesure du possible, protéger l'indélicat envoyeur.
En revanche, quand on déraisonne assez pour publier non seulement des extraits de documents classifiés visiblement obtenus sous forme électronique mais également un long entretien avec la source, les risques de finir en garde à vue et d'être perquisitionné sont grands. Parce qu'alors vont planer sur le journaliste des soupçons de complicité suffisamment forts pour justifier de jure des mesures coercitives.
Remarquez que ce ne sont pas les locaux de Disclose qui ont fait l'objet de la perquisition mais le domicile d'Arianne Lavrieux. Veuillez noter que sa garde à vue est intervenue près de deux ans après la publication de son "enquête", ce qui signifie que l'Etat a commencé par déterminer l'origine des fuites de son côté et possède du biscuit. Et a apparamment bouché au moins un trou (a ramené au moins un petit chat à la maison, comme on dit dans les services) puisqu'un ancien militaire a été mis en examen pour détournement et divulgation du secret de la défense nationale.
Les déboires judiciaires de la journaliste de Disclose ont été causés par elle-même et par ses supérieurs, directeur de la publication et rédacteur en chef, qui ne lui ont pas donné les bonnes directions. Venir maintenant pleurer à la liberté de la presse et au secret des sources est puéril. Un journaliste ne peut commettre ou être complice de délits au nom de la liberté d'informer. On en viendrait presque à croire que Disclose recherche les gardes à vue pour récolter des dons.