Le gouvernement dégaine l’artillerie lourde. Face à la dégradation continue depuis trois ans de la santé mentale des jeunes et derrière, la détérioration depuis une quinzaine d’années de la prise en charge, les pouvoirs publics s’en remettent, non pas à un numéro vert, c’est déjà fait, mais à la promesse d’une campagne sur les réseaux sociaux à l’intitulé presque enchanteur.
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Décliné en cinq vidéos, “Le fil good” promet de décrypter les comportements qui “permettent de prendre soin de sa santé mentale”, dixit Santé Publique France. Nous n’avons pas pu visionner ces vidéos – elles ne sont visiblement pas encore en ligne – mais nous avons quelques propositions. Comme manger bien, et mieux. Et ne pas pointer de manière déplacée et systématique comme l’a laissé entendre un brillant éditorialiste de LCI, aux Restos du cœur... Faire du sport aussi, ce peut-être bien. Là aussi, il y a la queue. Car oui, de nombreux clubs, faute de moyens, ne peuvent plus absorber plus de licenciés comme à Lyon par exemple, en laissant nombreux sur le carreau.
Mais en cette journée mondiale de la santé mentale, et alors que la veille, le 9 octobre, Santé Publique France avait publié un nouveau bulletin s’alarmant de l’augmentation en cette rentrée 2023 des idées et geste suicidaires chez les jeunes, on se dit qu’on est pleinement rassuré de voir les pouvoirs publics embrasser la cause de manière aussi volontaire et engagée. On se rappelle que le 8 juillet 2020, à l’Assemblée nationale, Olivier Véran avait promis de “mettre le paquet sur la pédopsychiatrie”. On peine à imaginer ce que cela aurait été s'ils n'avaient pas mis le paquet.
Ce n'est pas faute de décliner la politique publique en plans et autres grands raouts. Ce qu'il en advient par contre... Dernières en date, les assises de la psychiatrie de septembre 2021 ont accouché d’une souris. Quant au conseil national de la refondation spécial santé mentale annoncé par Emmanuel Macron au nez et à la barbe de son ministre mais aussi et surtout des organisations professionnelles même pas consultées, il ressemble fort à un énième comité Théodule. A moins que l'idée soit de travailler en petit comité, à l'abri d'organisations professionnelles bien trop remuantes ou de députés mal intentionnés...
Un de plus. Car il existait déjà un CNR santé (pas santé mentale) lancé il y a un an. Et il a défini ses priorités, avec des projets labellisés. En Auvergne Rhône Alpes, c'est lutter contre la stigmatisation (dans la Drôme) ou former des ambassadeurs en santé mentale (dans le Rhône). C'est orienter ou ré-orienter les patients (au centre hospitalier du Vinatier, L'Eclaireur vous avait déjà parlé de cette opération qui relève surtout de la redistribution). On y trouve aussi la création d'un espace de co-working médical et para-médical comme un tiers-lieu santé. Bref, du psy et du non-psy qui ressemble davantage à du saupoudrage que de véritables mesures structurelles et pensées.
Car la question de fond, celle d’un plan Marshall de la santé mentale, au travers de la restructuration totale de la filière et d’une loi-cadre comme l’appelle de ses vœux l’ensemble de la profession, et non de simples rustines (le chéquier psy par exemple), reste manifestement dans les bas-fonds, voire les tréfonds de l'exécutif. On se rappelle que le député Matthieu Lorphelin s’était attelé au dossier. Il en avait fait une proposition de loi. Las, en 2022, il n'a pas été réélu. C'est la députée Renaissance Huguette Tiegna qui a donc pris le relais et déposé en janvier une proposition de loi. Et ? Le texte est toujours en l'état de proposition.