Plonger une ville dans le noir alors que le niveau urgence attentat du plan Vigipirate a été activé suite à l'attaque terroriste au couteau à Arras, n'est certes pas très opportun. Certes l'intention des maires qui ont perpétué l'initiative du Jour de la nuit, célébré ce 14 octobre, est louable dans le fond et n'y est pour rien dans le téléscopage des calendriers. Qui serait contre l'idée de sensibiliser à la pollution lumineuse et à ses impacts sur la biodiversité ?
Si à Lyon, la décision de s'en tenir à l'extinction des feux des batiments emblématiques de la ville ne souffre d'aucune contestation, à Grenoble, le maire EELV a manifestement disjoncté. Eric Piolle a tout simplement décidé de plonger deux heures durant les rues de la ville dans le noir, en éteignant l'éclairage public. Ce n'est certes pas la première fois. Mais chaque année, le périmètre s'élargit un peu plus, englobant pour cette édition des quartiers pas forcément "apaisés" (référence pour les non initiés au slogan local).
A tel point que pour des raisons de sécurité, le syndicat des mobilités a été contraint – puisque manifestement pas consulté – de mettre à l'arrêt quatre des cinq lignes du tram, ceux-ci ne pouvant rouler sans éclairage... Quant aux bus, ils rouleront dans le noir, et tant pis si malencontreusement, une trottinette, un cycliste ou un piéton passe par là.
L'opposition LR fustige le cavalier seul du maire de Grenoble dénonçant la lumineuse idée qui à l'insécurité ajoutera des surcoûts liés à la réorganisation à la va-vite des transports en commun. Tout aussi énervé, le président du syndicat des mobilités, avec qui Eric Piolle ne file pas vraiment le parfait amour, a dit faire tout ce qu'il pouvait pour faire circuler des navettes sur des morceaux de tronçon...
On se rappelle qu'en 2015, un an après avoir été élu, Eric Piolle avait été pris de la même fulgurance. Et avait décidé pour tout à la fois lutter contre la pollution lumineuse et réduire la facture d'électricité de baisser l'intensité des lampadaires des parcs – théâtres soit dit en passant d'agressions – mais aussi de certains quartiers de la ville. Lumineuse idée que voilà puisque appliquée dans des quartiers ô combien apaisés comme Saint-Bruno, lequel non content d'être une des plate-formes locales du trafic de drogue se plie depuis quelques années aux règlements de comptes... On se rappelle que le plan lumière avait mis en rogne les flics, fatigués de jouer au jeu du chat et de la souris avec les dealers. La Ville, elle, se dit très satisfaite de son opération. En six ans, elle a baissé la consommation de 45 % et économisé 3 millions d'euros d'énergie.