Dans Challenge, on apprend qu'Emmanuel Macron a confié à Geoffroy Roux de Bézieux, l'ancien patron du Medef, la mission de lui rendre d'ici six mois un rapport sur la sécurité économique. On n'en saura guère plus, le rapport n'ayant pas vocation à être rendu public. Tout juste sait-on qu'il devrait se focaliser sur la prédation technologique menée par "certaines puissances étrangères" dans l'Hexagone, étant entendu que dans le "certaines", tous les regards sont braqués vers la Chine et les Etats-Unis.
Quelqu'un pour dire à Emmanuel Macron qu'il dispose à ses côtés d'un outil qui faute de réellement servir de contre-pouvoir, aligne rapports sur rapports au terme de missions et commissions d'enquête dont la finalité et les conclusions semblent complètement échapper à l'exécutif ?
On ne saurait que trop conseiller à Geoffroy Roux de Bézieux de compulser tout ce qui a été largement écrit sur le sujet : le rapport en 2004 (oui déjà) du député Bernard Carayon, celui de Gérard Longuet en 2019 ou bien plus récemment (juillet 2023) celui des sénateurs Marie-Noëlle Lienemann et Jean-Baptiste Lemoyne – liste non exhaustive, on met notre main au feu qu'on en a oublié. A moins que l'ex-patron du patronat française ne s'inspire plus simplement de ce sur quoi il a déjà travaillé. En 2019, un comité souveraineté et sécurité des entreprises françaises était lancé, à l'initiative de Roux de Bézieux.
Doit-on s'attendre à voir se créer un énième comité Théodule à l'espérance de vie limitée ? Rappelons que dans ce cadre éminement stratégique le poste de haut responsable chargé de l'intelligence économique créé en 2003 et rattaché au minstère de la Défense, a vécu six ans. Avant d'être remplacé en 2009 par un délégué interministériel à l'intelligence économique rattaché aux services du premier ministre. Sept ans plus tard, on change tout : Bercy récupère le pilotage, met en place un commissaire à l’information stratégique et à la sécurité économiques et créé un service dédié : le service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (Sisse). Lequel a été d'une discrétion de violette sur le cas de l'affaire Alstom soit dit en passant.
En 2021, Marie-Noëlle Lienemann proposait de refondre une nouvelle fois le dispositif en créant un secrétariat général à l'intelligence économique rattaché (marche arrière toutes) au premier ministre.
Tout ceci est fort brouillon surtout dans un domaine où prendre des parts de marché ou affaiblir un concurrent sont des manœuvres de longue haleine, nécessitant un minimum de prospective. Quant à espérer une dimension offensive d'une telle mission, qui n'est viisblement pas dans la culture du pays, c'est pas gagné. En France, on ne parle pas de guerre économique (on réserve le terme à un méchant virus) mais de sécurité. Tout un symbole, et pas que sémantique.