Vous avez aimé le scandale de ces écoles d'enseignement supérieur privées qui marchent sur les plate-bandes et les décombres de l'université en se goinfrant d'argent public ? Voir notre article publié sur L'Eclaireur ici. Vous allez adorer celui qui se profile des facultés de médecine.
Bon, on ne va pas dire qu'on ne l'avait pas vu venir avec la mise en place d'un numérus apertus aussi inefficace (et encore moins lisible et compréhensible) qu'un numérus clausus qui depuis vingt ans fait le lit de la désertification médicale et maintenant de la désertion hospitalière. En gros, le précédent système, dit clausus (fermé en latin), fermait comme son nom l'indique les portes des facultés de médecine au 9 996eme candidat. Le nouveau, apertus (ouvert en latin) ouvre le nombre de postes jusqu'au 9 995eme étudiant. C'est donc en gros du pareil au même, le gouvernement n’ayant relevé que de 15% le nouveau seuil. De la sorte qu'avec un aussi faible nombre d'étudiants formés, on retrouve péniblement le niveau des années 1970 quand la France comptait 15 millions d’habitants en moins.
Péniblement parce que désormais, le redoublement est interdit. Résultat, les recalés n'ont pas trainé à partir se former ailleurs, en Roumanie, en Espagne, au Portugal, en Belgique ou en Italie. Combien ? Officiellement, on n'en sait rien, tout simplement parce qu'on ne le mesure pas.
"Il n’y a, à ce jour, toujours aucune étude qui permet de documenter avec précision le phénomène de fuite de cerveau à l’étranger", précisait Emmanuel Touzé, doyen de la faculté de Caen et président de l’Observatoire national des professions de santé (ONDPS) dans Challenge. En attendant, dans les facs en France, les bancs sont passablement dégarnis. Ainsi, au terme de la première année, ce ne sont parfois qu'une centaine d'étudiants qui sont formés. Sur 1 000 à 1 500 candidats.
Difficile de ne pas voir une politique sciemment et parfaitement balisée. Celle de faire émerger des acteurs privés sur les décombres du public, tout ceci avec le soutien plus ou moins conscient et organisé de l'Etat. Cela a déjà bien commencé. Les prépas privées, que le gouvernement disait vouloir mettre en difficulté en modifiant les voies d'accès aux études de médecine, se sont multipliées et sortent renforcées de la réforme.
Car devant le peu de places offertes et l'écrémage au terme de la première année, des élèves n'hésitent pas à faire appel à ces officines dès leur passage en première au lycée. Au vu des coûts de telles structures, gageons qu'on tient le bon bout en terme d'égalité des chances et d'école républicaine.
"La réforme a eu un effet contre-productif sur l'ascenseur social, en introduisant l'oral notamment et en supprimant le redoublement", déplore dans L'Etudiant Pierre Dubus, le doyen de la faculté de médecine de Bordeaux (qui quittera ses fonctions en décembre prochain, ceci expliquant aussi cela). "Le taux de réussite est lié au niveau scolaire. Tout se joue avant l'université. Donc aujourd'hui, tout le monde suit une prépa".
La voie est-elle toute tracée pour que demain émergent des facs de médecine privées ? C'est déjà le cas. A Orléans, des étudiants sont formés depuis 2022 par la faculté de médecine privée de Zagreb.