Elise Lucet et sa bande ont encore frappé. Sur les yachts cette fois-ci. Alors oui, quand on considère le prix d'affrètement et, pire, d'achat de ces signes extérieurs de richesse ultimes, on prend le tournis parfois jusqu'à en vomir. De 30 000 euros à plusieurs millions la semaine, carburant, nourriture et boissons et autres extras en sus, pas vraiment à la portée de tout le monde.
Mais il ne s'agit pas de vacances hors-taxes et cela n'a rien de nouveau. Explications.
L'achat de tout navire dont l'exploitation est commerciale n'est pas soumis à la TVA, puisqu'alors il est la propriété d'une société d'armement et constitue un investissement. De la même manière, les achats nécessaires à son opération ne sont pas soumis à la TVA. Aucune entreprise ne paie la TVA, seul le consommateur final le fait. La seule différence avec une entreprise "normale" qui elle collecte la TVA payée par ses clients, y soustrait la TVA que lui a facturé ses fournisseurs et reverse la différence à l'Etat, c'est que la détaxe est immédiate puisqu'un navire par définition est mobile, le cabotage international consistant à aller d'un pays à l'autre en navigation essentiellement côtière. Même chose pour les avions dont l'exploitation est commerciale. C'est tout simplement plus simple de détaxer à la source et de remplacer la TVA par d'autres taxes.
En revanche, l'affrètement est soumis à la TVA qui est dûe par l'affrêteur sur l'ensemble des coûts (location, carburant, nourriture, boissons etc.) dans le pays de départ de la croisière. La seule faille fiscale est que le taux de TVA n'est pas harmonisé dans l'UE. Il varie de pays en pays. Le propriétaire de la société d'armement, s'il souhaite utiliser le navire à son propre compte, devra s'acquitter de la location au même tarif que n'importe qui ayant les moyens de s'offir un tel luxe et s'acquiter de la TVA. Sinon abus de bien social, jurisprudence Tapie, en route pour le tribunal.
Les équipages eux sont soumis au droit social du pays de pavillon, et là il n'y aucune différence de pavillon à pavillon quant au niveau de salaires et de cotisations sociales et patronales. Le yachting professionnel n'est pas la marine marchande. Un marin sous pavillon de Jersey (un paradis fiscal des îles anglo-normandes) coûte peu ou prou la même chose que sous pavillon français. Les marins qui embarquent pour plus de 180 jours sont exonérés de l'impôt sur le revenu, comme ce fut toujours le cas pour les gens de mer.
Quant aux contrats de transports, ils ont toujours existé, même si peu usités jusqu'à récemment. S'il s'agit de contrat de transport international, ils sont par nature exonérés de TVA. Il s'agit en fait de l'organisation de voyage organisé tout compris, comme le montre ce document du Registre international français, organisme d'Etat. Si vous achetez en France et au départ de France un voyage organisé en Italie, vous ne paierez de TVA que sur la commission de l'agence de voyage, qui ne commercialise pas ni n'organise le service mais vous conseille sur l'achat du service. Que vous achetiez une croisière en mer Egée sur un gros paquebot ou un contrat de transport pour un yacht à 85 000 euros la semaine, c'est la même chose fiscalement. Ce sont juste les sommes considérées qui diffèrent, certes de manière particulièrement choquante.
C'est toute la différence qui existe depuis des lustres entre une agence de voyage et un tour opérateur, tout de même un peu le fondement de l'industrie du tourisme. Quand vous affrétez un yacht, le courtier est le tour opérateur, le service est produit en France et vous payez la TVA en France. Quand vous choisissez le contrat de transport, le courtier intervient comme une agence de voyage, le service étant produit et commercialisé par la société d'armement, exonérée de TVA si le navire fait au moins une escale à l'étranger.
Un yacht faisant du transport international ne paie pas de TVA sur le carburant, comme la compagnie aérienne qui vous transporte de Paris à Ouagadougou. Le billet de tous les vols internationaux est exempté de TVA. Est levée une TVA sur les vols intra-européens de 10%, puisqu'il existe un espace aérien européen pour l'aviation civile. En revanche, il n'existe pas d'eaux territoriales européennes because zones économiques exclusives (pêche, forages, éoliennes offshore etc.), d'où l'exemption de TVA dès qu'on fait une escale à l'étranger en débraquant.
L'astuce avec les yachts est ailleurs. Représentant un investissement considérable - compter entre 15 millions d'euros et plusieurs centaines de millions pour un superyacht (navire de plaisance de plus de 24 mètres), les acheter via des sociétés off-shore situées dans des paradis fiscaux permet de dissimuler le nom des bénéficiaires de ces sociétés, donc le patrimoine qu'ils constituent. C'est un moyen d'évasion fiscale et parfois de blanchissement d'argent.
Cela dit, c'est de moins en moins le cas, car la tendance chez les super riches ayant les moyens de s'offrir ce gens de joujou est soit de les revendre pour louer, ou bien de les sortir de l'exploitation commerciale et de payer l'ensemble des taxes. Les Yachts sont devenus moins intéressants quant à la préservation d'un capital, coûtent plus cher à opérer et maintenir, et leur gestion, dès qu'on passe dans les surperyachts surtout ceux bénéficiant d'une classification et les mégayatchs, est aussi lourde que complexe.
Une chose dont Cash investigation ne parle pas: les très nombreux emplois induit par cette industrie de luxe qu'est le Yachting. Pas seulement les équipage. Le "refiting" (modernisation, gros entretien et réfection des intérieurs) des yatchs est ce qui a sauvé les chantiers de La Ciotat (1200 employés + les soustraitants), aujourd'hui numéro 1 mondial du secteur. Et puis la maintenance technique (moteurs, plomberie, électricité, électronique etc.) l'avitaillement, la sanitation (récupération et traitement des ordures, des eaux grise et des eaux noires puisque rien ne peut être déversé en Méditerranée), les services portuaires etc.
Que Cash investigation s'insurge que les riches aient des vacances de riches tout son saoul : rien de nouveau sous le soleil. En revanche, dire qu'il existe en l'espèce des dispositifs conçus spécialement pour les riches est faux. Les riches bénéficient exactement du même traitement que les non-riches en matière de transport maritîme international. Cash investigation ne fait donc pas du journalisme, juste du sensationnalisme.