Début février, sénateurs et députés ont voté, moyennant dix petites minutes de débat (procédure accélérée, cela devient une manie) l'allongement du délai de prescription en cas de diffamation et injure. Une disposition insérée dans la loi « renforçant la sécurité des élus locaux » qui, si elle passait *, permettrait à tout élu qui estimerait avoir été diffamé ou injurié d'avoir, de manière très privilégiée, non plus trois mois pour porter plainte, mais un an. Bref, un droit sur mesure dont on doute qu'il puisse passer le sas de la constitutionnalité mais passons...
Dix jours après, et alors que des médias et syndicats de journalistes, leurs avocats sur les talons se sont offusqués de cette nouvelle attaque à la liberté de la presse et à la loi de 1881 dont relèvent ces infractions – rappelez-vous Nicole Belloubet en 2019 qui entendait les passer dans le champ du code pénal, ce qui aurait permis de faciliter les perquisitions ou les comparutions immédiates – ça contorsionne sec (on renvoie un éventuel rétropédalage à plus tard).
Promis, juré, "les journalistes n'étaient pas visés ", assure Violette Spillebout, la rapporteure de la loi, dans Marianne.
Les médias, simples victimes collatérales de mesures visant des réseaux sociaux, derniers bastions (fort peu contrôlables) de la liberté d'expression et dont le dernier épisode en date, l'interview de Poutine par Tucker Carlson, l'a magistralement montré ?
Quitte à raconter à peu près tout et n'importe quoi. Et notamment que si les élus locaux, maires en tête, démissionnent, et s'il faut protéger leur statut (ce qui est louable), c'est parce qu'ils font l'objet l’objet "d’attaques constantes et répétées" sur les réseaux sociaux. Et tant pis si la grande majorité de ces élus ne passent pas vraiment leur temps sur les réseaux sociaux, tout occupés qu'ils sont à administrer leur commune. Et que les raisons premières de l'hémorragie – 1 293 maires avaient démissionné à mi-mandat, chiffres arrêtés en avril 2023 – ne sont pas là. Mais dans une défausse de l'Etat conduisant à un surcroit de responsabilités (dans un contexte d'inflation du contentieux vu que l'Etat pénalise à peu près tout) et de bureaucratie matiné d'inflation des normes.
*Au vu de la totale cacophonie sur le sujet – les Insoumis défendant un allongement de la prescription au-delà des seuls élus, une partie des LR proposant deux ans quand les écologistes y allaient de trois ans – l'article sera examiné fin février en commission mixte paritaire.