En France, les élections à la tête des grandes universités sont une curiosité. Vous pouvez être minoritaire parmi les représentants du personnel de la communauté universitaire (étudiants, enseignants, chercheurs, personnels) mais être élu. Et surtout réélu.
La démonstration vient d'en être faite à l'Université Grenoble Alpes où le président sortant, Yassine Lakhnech, a été réélu malgré des embûches qui l'ont à peine fait trébucher. Rappelons que le président de l'UGA avait été épinglé par la justice pour avoir participé à un tripatouillage quant à l'attribution de 20 millions d'euros de fonds Idex (Initiative d'excellence) en 2021. L'Eclaireur vous en parlait là. Avant que son élection en février dernier ne soit annulée par le tribunal administratif de Grenoble, Yassine Lakhnech ayant interféré en toute illégalité dans le cours du scrutin...
Pour ces nouvelles élections, on prend les mêmes ou presque et on recommence : Yassine Lakhnech toujours candidat à sa succession, avait en face de lui, non plus Michel Rocca mais un autre candidat, Konstantin Protassov. Que croyez-vous qu'il s'est passé ? Comme il y a quelques mois, le challenger s'est imposé au terme du "premier" tour des élections : celles qui recueillant les voix de la communauté universitaire, répartit les sièges au conseil d'administration (CA) préalable avant l'élection du bureau. Sans trop de surprises, la liste de Konstantin Protassov s'est vue attribuer 8 sièges, contre 6 pour la liste de Yassine Lakhnech. Avant que le "second tour", à savoir l'élection du bureau et donc du président, n'inverse diamétralement le sens du vote sous l'effet du poids des "personnalités extérieures qualifiées", nommées et associées aux administrateurs précedemment élus...
Un conseil d'administration en quelque sorte à la carte, permis depuis l'ordonnance du 12 décembre 2018 qui permet notamment de s'affranchir d’une majorité de membres élus. Ainsi faisant, le nombre d'administrateurs nommés à l'Université Grenoble Alpes est-il passé de de 8 à 12 (sur 41). Soit quatre personnalités extérieures qualifiées en plus, représentants des organismes de recherche nationaux associés à l’université et dépositaires de fonds publics mais aussi institutionnels ou représentants du monde économique et pas vraiment disposés à renverser la table... Gage certes d'une certaine stabilité pour autant que les dés ne soient pas pipés.
Quatre voix, c'est pile l'écart qui sépare le nombre de voix attribuées à Yassine Lakhnech (22 voix) de son rival (18 voix). Et qui ont suffi à faire pencher la balance moyennant une abstention...
En 2019, la première université à s’être emparée des dispositions permises par l’ordonnance de décembre 2018 a été l’université Paris-Saclay, à l’époque présidée par Sylvie Retailleau qui par la suite deviendra ministre de l’enseignement supérieur de la recherche. Paris-Saclay, c’est aussi et surtout l’X, l’Ecole polytechnique dirigée depuis 2018 par un homme, Éric Labaye, formé à Polytechnique et qui a fait toute sa carrière chez McKinsey, soulignait-on en janvier dernier.
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Université érigée au niveau mondial, sa gouvernance est un modèle du genre : à son conseil d'administration siègent 18 élus et 18 personnalités qualifiées extérieures. Cela marche tellement bien que l'université Paris-Saclay est toujours placée sous administration provisoire, plusieurs élus ayant refusé de voter la liste des 18 personnalités qualifiées extérieures, réclamant plus de diversités et de représentativités des étudiants et de la société civile...